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La forteresse des déments mangeurs d'homme

L'approche

Après plus d'une journée d'avancée sinistre dans ce désert abandonné des dieux, l'esprit pollué par les rêves dérangeants qui ont habités leur nuit, les aventuriers et leurs trois chameliers voient plusieurs vautours tourner au-dessus d'un point caché par les dunes environnantes.

Un cadavre de cheval est l'objet de leur convoitise. C'est celui qui transportait Azam & Jamila. Après un rapide examen, Ergen conclut que si une flèche est bien dans le flanc de l'animal, c'est à la suite d'un coup à la gorge, porté avec une lame, qu'il est mort. On trouve des traces de pas également dans le sable, mais il est bien difficile de savoir combien d'assaillants étaient présents.

C'est à ce moment que des cris se font entendre du sommet d'une large dune environnante. Des hommes à moitié nus, braillants, portant des colliers d'oreilles, d'yeux, de doigts autour du cou, lancent des flèches du sommet vers les intrus. Ils venaient probablement récupérer le cadavre du cheval. Ergen se cache derrière celui-ci et déclenche une bourrasque qui déstabilise deux maboules, Diogo se jette à terre et vise les assaillants avec son arbalète, pendant qu'Altaïr et Daruk se ruent vers les fous sous un feu nourri. La bourrasque d'Ergen dévie les flèches des assaillants comme de ses amis. L'affaire est néanmoins vite réglée, des têtes roulent et le sang jaillissant des larges blessures est pris dans la bourrasque, arrosant le sable sur plusieurs mètres.

Les chameliers ont disparu en courant dans le désert. Personne ne les retrouvera.

En essuyant leurs lames une fois arrivés au sommet de la dune, les aventuriers découvrent les ruines d'une grande ville, avec en son milieu un roc noir menaçant sur lequel est posée une forteresse, encore impressionnante malgré son apparant grand âge. Ergen dont la vue est perçante repère une fumée qui s'élève paresseusement au-dessus de la place forte.

La cité semble sortir à peine du sable, qui s'écoule encore des espaces entre les pierres prodigieuses. Des tours immenses se sont écroulées, des statues de bronze gigantesques ont été renversées par les âges.

L'accès à la forteresse se fait en parcourant un chemin étroit, à moitié écroulé, passant au pied des formidables murs. Des traces récentes de sang et de déjections animales polluent la muraille du vénérable bâtiment, des phrases sans queue ni tête, des lettres inconnues, des imprécations étranges.

Dans un recoin du mur cuit un beau gigot dont l'odeur alléchante est gâchée par la vue de deux solides gaillards, à moitié nus, bien plus solides que les fous croisés plus tôt dans la tempête et près du cheval d'Azam. L'un d'eux part en courant vers une gigantesque porte dans la muraille, à peine ralenti par une flèche de Daruk fichée dans la cuisse. Néanmoins par un hasard heureux son cri n'arrivera dans aucune oreille. Le vent du désert l'a noyé. Le deuxième homme doit être un prêtre, il embrase l'endroit où se trouve Diogo, qui s'en sort tout juste et le canarde à distance avec son arbalète à main. Les deux gardes meurent malgré une résistance certaine.

Se dévoile alors la porte de la forteresse, encadrée par les terribles lamassus. La vision de ces créatures terrifiantes et le gigantisme du portail maintenant effondré, semble inspirer Ergen pendant un moment, mais la mobilisation de sa prodigieuse mémoire échoue, et il se contente de dire dans un souffle "oulà, c'est pas récent !".

La cour qui se déploie derrière les lamassus est pavée de larges pierres blanches meurtries par le temps. Le vent y souffle violemment et soulève des nuages de sable tourbillonnant à plus de 3 mètres. Les écuries sont occupées par des chameaux dont la plupart ne sont plus en état de se déplacer, faute de soin et d'eau. Le puits est comblé par les pierres et le sable, au-delà de tout espoir.

A l'ouest un parvis surplombé d'une large fronton conduit à une entrée obscure, inquiétante.

L'antre de la folie

C'est par une galerie, au sud de la grande cour, que les explorateurs entrent dans la forteresse.

Après un court escalier s'ouvre une pièce en longueur, avec les emplacements de deux portes sur ses murs latéraux, et une porte en bronze massif bloquant le passage au fond. Elle est verrouillée. Diogo se met à l'ouvrage pendant que les trois autres fouillent les deux pièces attenantes. Il s'agissait d'un stockage d'armes et d'armures, en bronze pour la plupart, avec tout de même deux objets remarquables : une dague et un casque, d'un métal différent, presque lumineux, aux teintes de bronze également mais dont la qualité semble différente. Daruk est absorbé par le casque et l'étudie intensément. Ergen trouve dans chaque pièce des tablettes d'argile qu'il réussit à déchiffrer à la lumière de sa torche : elles font la liste des choses entreposées. Il semblerait néanmoins que les meilleures pièces soient gardées "sous le regard du roi, pour le plaisir du roi". Les portes en bois sont tombées depuis longtemps, mais celles en bronze sont aussi solides qu'au premier jour. Diogo n'arrive pas à forcer la serrure millénaire, par trois fois. Une maladresse résultant en un bruit métallique assourdissant attire un serpent géant, qui monte l'escalier sans bruit. Le combat est difficile mais la bête succombe, son corps tremblant, séparé de sa tête.

La progression de ce côté semblant bloquée, il est décidé de passer par le megaron. En montant les marches du parvis, les héros ont l'impression de s'apprêter à rentrer dans une bouche obscure qui vomit une haleine fétide. Au fond semble briller un feu, mais l'obscurité paraît tout recouvrir.

A l'intérieur l'espace est immense, marqué au milieu par un grand foyer où s'agitent deux solides prêtres, ressemblant aux gardiens de la porte croisés plus tôt. Un homme est attaché nu à proximité du feu, toussant dans la fumée, lançant des imprécations à l'encontre des deux autres. Les deux costauds discutent la meilleure technique de cuisson de gros morceaux de viande. L'un d'eux est inquiet car leur maître va vouloir manger sous peu et rien n'est prêt. Au fond, un maboule malingre, du type de ceux qui ont attaqué durant la tempête, astique péniblement un trône qui a dû être magnifique un jour. Les aventuriers décident fort justement d'entrer silencieusement en profitant des ombres omniprésentes. C'est à ce moment que Daruk qui joue avec son reflet sur le casque le laisse tomber bruyamment.

Le combat qui suit permet de se rendre compte qu'en effet les sauvages les plus solides sont des prêtres : une arme est invoquée, sous la forme d'un gourdin à clous, et Diogo se trouve immobilisé par un autre sort. Reste la question de savoir de quel dieu ils sont les prêtres. Pendant que le combat se déroule Ergen arrive à libérer l'inconnu ligoté au-dessus du feu et lui prête les griffes du gorille. Rapidement les trois sauvages sont tués. L'inconnu se révèle être Ras al-Ayn,Ayn, un esclavagiste de Belthaar dont les esclaves gladiateurs se sont enfuis dans le désert. Il en a retrouvé plusieurs : ce sont des sauvages à moitié nus, devenus fous sans qu'il soit possible de savoir pourquoi. Ils ont déjà mangé plusieurs de ses compagnons, et les autres se sont rangés de leur côté. Leur chef serait Dibak le Kothien,Kothien, justement le chef de la compagnie de gladiateurs. Ras leur propose de les récompenser s'ils repassent par Belthaar, et il est libre de partir. Ceci peut paraître étonnant rétrospectivement. Quant à Dibak, son nom et sa description réveillent des souvenirs à l'un des zingariens présents.

La fouille de la salle révèle une nouvelle série de tablettes cunéiformes, précieusement gardées par Ergen qui n'arrive pas à les lire, maudissant l'éclairage qui certes n'est pas optimal.

Les deux autres portes du megaron ouvrent dans le même couloir, sombre, avec au nord une encadrure de porte d'où provient un rai de lumière et un rire dément. La salle éclairée est carrée, soutenue par quatre piliers. Au fond l'emplacement d'une porte est béant, en sortent des bruits de coups puissants contre un mur. Deux jeunes femmes sont assises sur le sol, ligotées : Jamila la khazrajite et Jakita la turanienne. Devant Jamila un maigrichon nu agite un zgeg énorme en ricanant bêtement, pendant que deux de ses congénères le regardent faire, les yeux vides. Les trois dégénérés ne font pas le poids et sont occis rapidement, mais la personne qui essayait de casser un mur était un prêtre, le combat devient plus équilibré pendant un moment. Pour impressionner les demoiselles en détresse, Diogo fait un saut carpé au-dessus du dernier ennemi debout, histoire ensuite de le suriner proprement par derrière, mais le sabre d'Altaïr met une fois de plus fin à la démonstration.

Pendant que Daruk & Ergen cherchent dans l'autre pièce ce qui pouvait bien pousser quelqu'un à essayer de casser un mur, les deux jeunes filles sont interrogées.

Jakita a été chassée de Turan par son frère, Jakilo, devenu roi de Turan. Une vieille prophétie détrempait les masses populaires, celle d'un roi juste qui prendrait le pouvoir après avoir perdu la vue puis l'avoir retrouvée. Jakilo a reçu d'un étranger bienveillant une paires d'yeux factices en jade, et la suite ne s'est pas passée comme prévue. Le vieil homme a été pourchassé par un groupe de prêtres, ces prêtres ont ensuite entouré Jakilo, l'ont éloigné de sa famille et l'ont amené à force de complots jusqu'au sommet de l'état Turanien. Le roi précédent est probablement emprisonné sous l'ordre du grand prêtre, Jakita a été vendue à un riche marchand de Belthaar. Elle devait traverser le désert avec Guram Khal (dit "le coupeur d’orteils") et sa bande, pour être livrée intacte à Belthaar. Elle était presque parvenue à obtenir sa liberté en discutant récompense avec Guram Khal lorsque la compagnie a été attaquée par les maboules malingres. Une bonne partie a été torturée, une autre a rejoint les rangs ennemis. Leur chef ou leur grand prêtre s'appelle Anamelech,Anamelech, il est craint de tous. D'autres femmes étaient avec elle. Des hommes sont venu les chercher pour Anamelech, il y a eu des cris et des bruits horribles, la lumière des torches baissait sous un vent venu d'ailleurs, puis des rires. Aucune n'est revenue. Jamila ne parle toujours pas, ses grands yeux vibrant de sa détresse et de l'espoir qu'elle met dans les aventuriers. Jakita prend en charge Jamila et toutes deux rejoignent les écuries sans encombre.

Dans la petite pièce attenante Daruk arrive à ouvrir une porte secrète avec son pied de biche. C'était probablement ce qu'essayait de faire le prêtre d'Anamelech qui gît dans un coin. La chambre derrière la porte est un témoignage de la magnificence de la civilisation qui a construit la forteresse. Elle est dans un état presque parfait en dehors des portes de bois tombées à terre. Une odeur de cèdre persiste après les siècles d’oubli, venant des poutres massives courant sur le plafond. Ces poutres ne servent à rien d’autre qu’à apporter leur beauté et leur parfum à cette pièce magnifique. Les murs sont en lapi-lazuli avec uniquement une incrustation de métal doré, une seule ligne qui court le long des murs, passe les portes et ressort des pièces pour continuer son trajet. La ligne de métal représente des scènes de bataille où l'accent est surtout mis sur la beauté des paysages et des corps. Les soldats sont resplendissants dans leurs armures, et leurs attitudes lors des combats montrent un constant souci de l'harmonie.

Une première alcôve abrite les armes (deux épées courtes du même métal que le casque de Daruk, mais parfaites : il s'en empare), et l'armure du roi (un clibanon, et un manteau de fourrure de panthère des neiges dont la nature magique ne fait pas de doute mais dont la finalité n'est pas encore élucidée, et le sera probablement par Ergen qui a rangé l'objet dans son sac à dos).

Une seconde alcove contient le journal du roi Elish, écrit par son page Enuma.

Il y un peu plus de 2000 ans, des hordes de "sheng" venues de l'est et conduites par le général Anamelech se dirigeaient vers l'ouest. Anamelech était censé être un démon de l'extérieur, et sa vision pouvait rendre fou n'importe quel homme contemplant sa vraie forme. Il cachait son corps dans des hailles, et était surnommé “le roi en guenilles”. Il portait sur sa tête une couronne de fer noir, dont des pics perçaient son crâne et grattaient ses os, le faisant saigner constamment et inondant son visage de sang. Le roi en guenilles dirigeait ses troupes en personnes, et menait toutes les charges. Rien ni personne ne semblait pouvoir résister à leurs terrifiants assauts et à leur barbarie. La raison de leur course sanglante vers l'ouest n'a jamais été connue. Un espion venant de la ville du roi Elish réussit à s'échapper d'un camp Sheng. Il est revenu moribond, et son délire n'a pas pu éclairer les motivations du monstre. L'espion répétait qu'il voulait retrouver sa femme, dans une île, à l'ouest. Placée à un endroit stratégique sur le passage de la multitude, Akharon, ville du roi Elish, la cité vierge dont les défenses n'ont jamais été brisées, a subi un siège durant trois lunes. Ces trois mois ont permis aux sorciers d'Akharon de sceller un piège, commandant au désert de recouvrir leur cité et d'y piéger le roi en guenilles et ses troupes, au moment où ils passaient les portes du palais. Le scribe qui a écrit cette histoire est resté caché pendant un mois, dans la salle du trésor dont l’entrée est cachée. Il a entendu des hurlements humains et non humains, provenant du sérail et des appartements du roi. Préférant la mort par sa main plutôt que la torture, il a pris sa propre vie.

Ergen connaît bien des mythes contant l'histoire d'un peuple d'hommes tellement mauvais que les dieux les ont fait disparaître, soit sous le sable, soit sous les flots. Les Sheng et le démon Anamelech ont probablement inspiré ces légendes. Il empoche les tablettes, plein d'émotions retenues.

La porte en bronze au sud résiste encore à Diogo. En désespoir de cause les cadavres sont fouillés, et on retrouve une grosse clef en bronze autour du cou de celui qui devait apporter à son chef la nourriture du jour.

Dès l'ouverture de la porte, une odeur de pourriture agresse les sens des quatre combattants. Ergen, que l'on aurait cru protégé par son odeur naturelle, et Diogo vomissent immédiatement. Des morceaux de corps humains, plus ou moins décomposés, certains portant des traces de dents, d'autres recouvert de ce qui ressemble à une quantité prodigieuse de semence, sont éparpillés dans les anciens appartements royaux. A l'ouest des bruits de mastication attirent le regard : un homme de petite taille, trapu, une couronne sur la tête, mange en grognant. Il s'arrête au bout d'un moment, ricane, et se retourne. Il porte une couronne en fer noir dont des pics percent la peau, et le sang qui s'en écoule inonde son visage. Ce visage est celui de Dibak,Dibak, le chef des gladiateurs Kothiens qui s'est enfui de Belthaar quelques semaines auparavant. Il est difforme, des masses de chair se trouvent à des endroits où l'on attendrait des creux, cachées par une robe immonde aux multiples épaisseurs, et il paraît plus petit et plus large que la dernière fois que l'un des héros l'a vu. Il regarde la main dont il suçait la chair sur les doigts, et la jette de côté.

Un tentacule sort du poitrail du monstre pour aller taper Altaïr, qui l'évite. Diogo et Daruk sont pétrifiés par l'horreur et resteront immobiles pendant de longues secondes. Daruk recule et une cage thoracique se déplace d'elle-même pour lui enserrer une jambe. Ergen a la présence d'esprit, malgré les nausées, de chauffer par un sort la couronne de fer, qui crisse au contact du sang bouillonnant. Altaïr porte des coups terribles avec le sabre d'Edmur, mais Anamelech, incarné en Dibak, absorbe de la matière organique à proximité pour se créer d'autres pinces, tentacules, bouches qui mordent, se déplaçant sans laisser d'une opportunité d'attaque. Il fait exploser de la chair à proximité d'Altaïr qui en absorbe le poison ce qui gène la précision de ses coups. A nouveau de la matière organique se déplace seule et rejoint le corps vibrant de Dibak, et des dents propulsées d'une bouche sortant d'un genou viennent frapper Ergen. Du sable se lève de nulle part et aveugle Daruk et Diogo, qui n'a pas eu un combat facile rétrospectivement.

Néanmoins, les blessures s'accumulant, la chance tournant, le combat passe en faveur des quatre humains. Daruk, même aveuglé par le sable qui lui brûle cruellement les yeux, achève l'avatar. Plus rien ne bouge, le sable tombe, la chair moisissant dans la pièce reprend son aspect habituel, chutant des murs et des plafonds où elle rampait.

Une voix s'élève de la gorge immobile de celui qui était Dibak :

Je suis Anamelech, je suis infini. Je chevauche les nuées depuis l'Est jusqu'à l'Ouest. Je viens m'étendre sur ce pays. On m'a appelé après 100 vies d'homme. On m'a appelé et je ne saurai être vaincu. On m'a appelé et déjà je nais une nouvelle fois. On m'a appelé, et bientôt je naîtrai des entrailles de mon épouse. Je suis Anamelech, je suis infini. Je viens m'étendre sur ce monde.

Guère impressioné Diogo prend la couronne en fer noir. Des choses lui sont murmurées, mais a priori il résiste à l'envie de ceindre l'artefact. Nul, pas même lui, ne sait ce qu'il en fera.

Dans les décombres maintenant abandonnées Azam est retrouvé, attaché, salement amoché. Il avoue avoir enlevé Jamila et l'avoir envoûtée pour l'empêcher de communiquer sa détresse. Il est aux ordres d'un prince marchand de Belthaar qui voulait la garder otage afin de garantir la sécurité de ses caravanes passant dans le désert d'Al Khaz. Le coupeur d’orteils, Guram Khal, est sauvé lui aussi. Il promet monts et merveilles à ses libérateurs, et n’attend que de rentrer à Aghrapur.

Jamila retrouvera Muleh son grand-père et saura être pardonnée.

Azam connaîtra le sort réservé aux traîtres, écorché vif, couvert de miel et placé vivant à proximité d'une colonie de fourmis lionnes.

Muleh est satisfait du marché, et ajoute à votre récompense (votre vie et celle d'Ali)Ali) le sabre du traître.

Kilij est à peine vivant, et escorté vers Belthaar alors que vous partez, avec Jakita et Ali, vers Eshnuna.

Bientôt vos blessures se sont refermées. Apparaissent alors les premières nuances de vert à l'horizon, puis les qanats qui scintillent sous le soleil, et Eshnunna, aux portes du terrible Al Khaz.